Notre lectrice Jenny, sémioticienne à ses heures perdues (ou retrouvées), nous revient d’Amérique (Atlanta, Géorgie, ville de Coca-Cola, du KKK et de Cnn) et nous écrit un texte humoristique, pointu et désenchanté sur ce territoire (USA donc – pas un pays) décorporé par la bagnole et la technique (cf. Sprawling), dans la lignée de Baudrillard (voir lien), Butor (Mobile) ou Roland Barthes (l’Empire des signes). Abreuvez-vous, c’est un poison… Et bonne nouvelle : les géorgiens (on est en Géorgie) tapent sur les démocrates et les chinois bio-maîtrisés. PS : Jenny ajoute que l’économie ici s’écroule : il serait temps, n’est-ce pas ? Relisez notre texte sur Baudelaire et la conspiration géographique. Verhaeghe optimiste en ce moment sur le sort à Macron. Séjourné, député et compagnon d’Attal, demande de coffrer pour haute trahison les opposants aux sanctions antirusses. Cela sent le roussi, on vous dit.

Hello Nicolas, 

Voici à chaud tapé du bureau (où plus rien ne se passe côté  »business »… on a du temps donc…) un petit texte d’impression de retour des US

Atlanta International Airport, l’antithèse de Roissy : propreté, rapidité, obésité, sourires. Se remettre dans le bain. Propreté, rapidité, on s’y fait. Les gros, on s’y fera plus tard. Les sourires par contre, les sourires… (Baudrillard l’avait déjà noté et c’est de pire en pire) et l’excès de how are you doing today où qu’on aille…

J’ai posé le pied chez l’ennemi en parjure, munie d’une simple déclaration sus-nommément signée-paraphée-juré-craché sur l’honneur pour prouver mes injections obligatoires afin d’atteindre la terre promise… aucun problème ! WTF ? Pas de pass ? De QR code ? Où est passée la sévérité des polices, douanes, services d’immigration, services sanitaires et consort que j’ai connue auparavant ?

Me voici donc le soir du premier jour, errant avec ma sœur (une véritable yankee, si, si, née sur place, et tout ce qu’il faut) qui habite midtownMidtown, c’est le quartier bobo et gay avec appartment blocks à 1.5M$, une green belt pour marcher vers le parc (marcher, oui, chose nouvelle !) et des foodcourts comme à Hong-Kong. Moi, je veux juste un thé, même glacé ça ira car c’est l’été indien après tout il fait bon. Un regular black tea. Impossible, ce sera un bubble tea dont il faut préciser le % de sugar (par rapport au 0 qui est la dose normale), le topping et combien de Ice in it ? Just no ice no sugar ? Impossible : ce sera donc un bubble tea fewer ice 30% sugar (de moins que la dose de base, quelle façon étrange de raisonner). Voici 6h que j’ai atterri et tout est déjà trop compliqué. Trop de choix pour (on le sent venir) finalement ne rien pouvoir choisir… Je tète donc une grosse paille qui distribue des boules de tapioca à mesure que je bois cet épais thé au lait goût bonbon. Nous marchons en tétant. Ou l’inverse je ne sais plus. Il n’y a rien à voir, rien à faire. Nous finissons par nous asseoir sur les marches en faux marbre pour écouter un petit duo de rock installé sous le chapiteau officiel de l’association des résidents de Midtown. C’est charmant. Non, awesome ! Sourire au poing nous papotons avec d’autres suceurs de thé. Certains sont complotistes, engeance Trump 2024. Pour eux, tout vient de la chine (ah, ces communistes…) : elle finance en sous-main toute l’administration Biden, you see, pour imposer l’agenda woke, et le reste. Tout le reste. Dems are evil. Et sinon, la guerre en Ukraine ? What ? Quelle guerre ?

Le lendemain, les choses sérieuses s’enclenchent : début de l’immersion d’une semaine dans la vie en (grande) banlieue résidentielle où vit le reste de la famille. La banlieue des subdivisions, des malls du bord de route et du vert, partout du vert et quelques technology parks où les parkings arborés annoncent une obèse start-up (pas d’italique, ça marche en France aussi les start-ups maintenant). Bref, cette grande banlieue cœur-travailleur où logent les familles dans des maisons trop grandes, alignées, aux pelouses bien tenues, sans accrocs, même pas un vélo d’enfant (voire un enfant !). Le rythme ici est cadencé : drive, work, drive, shop, drive, work, drive eat out sometimes, drive, shop, drive, shop, drive… Il y a des pancartes Now hiring partout. Du personnel partout. Ces sourires étranges partout. De la bouffe partout (et hors de prix. Comment font-ils ?) Des bidules partout. Les bidules. De plus en plus de bidules. Stuff. Crap. Les magasins sont remplis de bidules sans que l’on puisse comprendre la logique commerciale, les barraques en sont remplies et sans doute les rêves et les désirs secrets aussi. Une semaine d’overdose de bidules.

Mais qu’on se rassure, la dimension spirituelle n’est pas absente et j’en ai la preuve : le Sunday church service à l’église protestante, celle qui s’est installée il y a 3 ans, là, aux lisières de la nouvelle commune, sur 5 hectares. Avant les ablutions et l’office dans le Main Sanctuary (mieux équipé qu’un centre de conférence de la Mairie de Paris : j’ai pu compter 3 postes audiovisuels de capture en direct avec caméras cinéma, un système son panorama, des projo lumière à faire pâlir le théâtre du Rond-Point, pour une  jauge de 2500) avant donc les choses sérieuses, on peut faire un tennis (si !), se baigner en piscine olympique ou dans l’un des deux lacs, prendre des cours de danse de salon (si, si !), acheter au bookshop quelques ouvrages de commentaires sur les Écritures revisitées et s’installer pour bosser au café…

Eglise, shopping, boulot, etc. toutes ces choses se font donc en voiture, c’est obligatoire, même pour les gamins de 16 ans fréquentant la high school, on n’est pas à New-York, il reste de l’espace ici, beaucoup d’espace, alors on s’étend et on roule. On roule. On roule. Baudrillard nous expliquait l’effet des autoroutes californiennes sur la psyché du « pays » et je vais compléter avec ma two cents wisdom son analyse. En Géorgie la configuration géographique est différente mais la source du mystère subsiste : la vitesse qu’impose la voiture n’est pas naturelle, pas humaine. La voiture nous fait traverser le monde trop vite et de façon décorporée. La nature majestueuse, on la traverse à peine des yeux, jamais par le corps. Jamais. On ne peut pas vraiment la voir, on ne s’y arrête pas car on ne peut pas s’y arrêter, on n’y marche pas car rien n’est fait pour que l’on puisse y marcher (pas de trottoir, pas de chemin, pas d’accès (1)). Les seuls moments sans voiture, donc à vitesse « humaine » sont les errances dans les magasins à glaner des bidules. L’impression est terrible, saisissante : en quelques jours on se décorporalise et le monde extérieur s’objectivise lentement. Il n’est jamais vécu dans la chair, c’est-à-dire touché, senti, reniflé, avec les aléas de la fatigue, du froid, du chaud, qui en transforme aussi la perception. En réalité, ici, la perception directe disparaît. Le monde réel est médié si je puis dire, par la télé sans doute et le bullshit social imposé pour pouvoir vivre ici (car c’est un pays dur et pour tenir il faut finir par croire aux règles du jeu). Après des années à vivre cette décorporation du réel, peut-être disparaît-il …

  1. Il y a quelques années je me suis faite arrêter par la police, inquiète de me voir marcher sur le bas-côté de la route alors que je tentais de rejoindre un ami à pied … 3 km plus bas. Avais-je eu une panne de voiture, avais-besoin d’aide, d’un lift ? En répondant que je marchais tout simplement, j’ai eu droit à d’autres questions cette fois moins bien intentionnées : j’étais suspecte…

https://lesakerfrancophone.fr/american-pravda-gazoducs-et-calamites

https://lesakerfrancophone.fr/rapport-du-representant-officiel-du-ministere-russe-des-affaires-etrangeres-a-propos-de-lenquete-sur-le-sabotage-des-nordstreams

3 réflexions sur « Notre lectrice Jenny, sémioticienne à ses heures perdues (ou retrouvées), nous revient d’Amérique (Atlanta, Géorgie, ville de Coca-Cola, du KKK et de Cnn) et nous écrit un texte humoristique, pointu et désenchanté sur ce territoire (USA donc – pas un pays) décorporé par la bagnole et la technique (cf. Sprawling), dans la lignée de Baudrillard (voir lien), Butor (Mobile) ou Roland Barthes (l’Empire des signes). Abreuvez-vous, c’est un poison… Et bonne nouvelle : les géorgiens (on est en Géorgie) tapent sur les démocrates et les chinois bio-maîtrisés. PS : Jenny ajoute que l’économie ici s’écroule : il serait temps, n’est-ce pas ? Relisez notre texte sur Baudelaire et la conspiration géographique. Verhaeghe optimiste en ce moment sur le sort à Macron. Séjourné, député et compagnon d’Attal, demande de coffrer pour haute trahison les opposants aux sanctions antirusses. Cela sent le roussi, on vous dit. »

  1. J’étais à New York (Èn-waï-si comme disent certains neuneus fronssais) cet été. C’est tout de même autre chose que la faune parisienne, qu’elle soit native ou « importée ». Les bobos leucodermes locaux font plus d’enfants que ceux d’ici j’ai l’impression. Semblent bien portants aussi, pas du tout « fragiles ». Les Afros sont aux fraises, détruits par…les civil rights selon moi mais c’est tabou de le dire. Les Chinois et Indiens tiennent economiquement la Ville (Juifs en recul ?). Latinos dans leur monde, travailleurs et fermés. Métissolatrie inexistante (même dans les pubs). Une cité État qui survivra à la chute (pas demain néanmoins, n’en déplaise a certains anti-US) de cette fédération impériale.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire