French Tuche à travers les sages. Octave Mirbeau et la famille du touriste froncé : « Elle était couperosée, flasque, minaudière, et pessimiste. Pour bien prouver qu’elle était venue en automobile, elle avait conservé ses terribles lunettes, bien en vue sur son chapeau de feutre beige. Lui, gros, court, la joue ronde et rasée, la barbe en pointe, jovial, vulgaire, et brave homme, arborait orgueilleusement une casquette russe, ornée des insignes du Touring. Impossible d’être plus gauche, plus sottement fagotée que la fille. Sans fraîcheur, sans grâce, les oreilles livides et comme décollées, le cheveu pauvre, elle montrait déjà, sur le devant de la bouche, une denture toute gâtée… Quant au fils, le front bas, le menton fuyant, jaune et très maigre, le corps aveuli par des habitudes solitaires, il était totalement abruti… Famille bien française, comme on voit. » Ris, bonhomme : ils vont envahir la Russie.

Octave Mirbeau et la famille du touriste froncé : « Elle était couperosée, flasque, minaudière, et pessimiste. Pour bien prouver qu’elle était venue en automobile, elle avait conservé ses terribles lunettes, bien en vue sur son chapeau de feutre beige. Lui, gros, court, la joue ronde et rasée, la barbe en pointe, jovial, vulgaire, et brave homme, arborait orgueilleusement une casquette russe, ornée des insignes du Touring. Impossible d’être plus gauche, plus sottement fagotée que la fille. Sans fraîcheur, sans grâce, les oreilles livides et comme décollées, le cheveu pauvre, elle montrait déjà, sur le devant de la bouche, une denture toute gâtée… Quant au fils, le front bas, le menton fuyant, jaune et très maigre, le corps aveuli par des habitudes solitaires, il était totalement abruti… Famille bien française, comme on voit. » Ris, bonhomme : ils vont envahir la Russie.  

Un des plus drôles récits de voyage du monde…

«En voyage, nous ne cessons, nous autres de France, de nous moquer des familles allemandes, anglaises, italiennes, que nous rencontrons sur notre route, et qui, souvent, nous donnent l’exemple de la santé physique et de la bonne éducation. Avec une joie féroce et un imbécile orgueil, nous nous complaisons à relever, toujours à notre avantage, ce que nous appelons leurs ridicules, leurs tares, qui ne sont, peut-être, que des vertus… Mais il est entendu que rien n’est beau, élégant, pétulant, spirituel, rien n’est intelligent que de France…

Ah ! si pourtant nous songions quelquefois à mirer, dans nos familles à nous, nos infériorités de race, nos descendances d’alcooliques, de syphilitiques, notre lourdeur, notre stupidité haineuse ou jobarde ?

Cette fois, en considérant cette famille de mon pays, attablée près de nous, j’y songeai, avec quelle douloureuse humilité !

Ils allaient en Belgique. Jamais encore ils n’étaient sortis de France, et l’idée que, le lendemain matin, pour la première fois, ils franchiraient une frontière, entreraient dans un pays qui ne serait plus la France, cette idée-là les impressionnait, les troublait au-delà de tout… Ils ne savaient pas trop s’ils devaient avoir peur, ou se réjouir…

Après le dîner, la table desservie, le père s’entretint longuement, avec le patron de l’hôtel, des industries du pays ; la mère tira de son sac un jeu de cartes et fit une patience ; la jeune fille feuilleta le Bædecker, et le fils, écroulé sur sa chaise, bouche ouverte et bras pendants, s’endormit profondément.»

http://www.leboucher.com/pdf/mirbeau/628e8.pdf

Laisser un commentaire